le mah-lon
Ce jeu de dominos, qui rappelle par ses règles le Rami, est fort prisé en Extrême-Orient. Il apparut vers 1860, en Chine, vraisemblablement introduit par Houng-Sieu-Ts’iuen, qui lança la révolte des Taï-Pings. Le Mah-Jong dérive d’un jeu beaucoup plus ancien, celui des Sapèques, né vers l’an mille sous la dynastie Song. Son nom provient du mot chinois Ma-Tseuk, « moineau », par lequel on le dési¬gnait au siècle dernier en Chine centrale. Originellement réservé à l’élite intellectuelle et aux nobles de la cour impériale, le Mah-Jong s’est démocratisé en 1911, à la suite de la révolution chinoise. Il s’est rapidement répandu aux États-Unis où il fit fureur, et gagna l’Europe après la Première Guerre mondiale. Son heure de gloire, bientôt suivie d’un profond déclin, se situe durant les années folles, mais le jeu semble actuellement se démocratiser.
MATÉRIEL
144 dominos, dénommés « tuiles », 92 bâtonnets plats servant de monnaie de compte, quatre réglettes à rainure servant à poser les tuiles, deux dés à six faces, numérotés de I à 6.
BUT DU JEU
Faire « Mah-Jong », c’est-à-dire être le premier à se débarrasser de toutes ses tuiles en formant quatre combinaisons plus une paire.
RÈGLES
Les tuiles
Les 144 tuiles se répartissent en quatre catégories.
Les trois premières, qui comportent 136 pièces, représentent les tuiles de jeu, tandis que la dernière, qui compte 8 piè¬ces, rassemble les tuiles de bonification.
Les tuiles ordinaires se composent de 108 pièces :
– 4 séries identiques de neuf Cercles, numérotés de I à 9 = 36 tuiles ;
– 4 séries identiques de neuf Caractères, numérotés de I à 9 = 36 tuiles ;
– 4 séries identiques de neuf Bambous, numérotés de I à 9 = 36 tuiles.
Les Honneurs simples se composent de 16 pièces :
– 4 séries identiques de quatre Vents : Est, Sud, Ouest et Nord = 16 tuiles.
Les Honneurs supérieurs se composent de 12 pièces :
– 4 séries identiques de trois Dragons, rouges, verts et blancs = 12 tuiles.
Les Honneurs suprêmes se composent de 8 pièces :
– 4 Fleurs, numérotées de I à 4 = 4 tuiles ;
– 4 Saisons, numérotées de I à 4 = 4 tuiles.
On notera que le I Bambou est souvent illustré par un moineau, l’Oiseau de Riz, et que les Fleurs se distinguent mal des Saisons, ces deux types de tuiles étant habituellement très stylisés.
Combinaisons possibles
Il existe quatre types de combinaisons :
– La Paire, formée de deux tuiles identiques, appartenant à une même série, par exemple deux 3 Bambous (diagramme I).
– La Séquence, formée de trois tuiles qui se suivent dans une même série, par exemple les 2 Cercles, 3 cercles et 4 Cercles (diagramme 2). Il est également possible de composer des séquences d’Hon- neurs : il faut alors réunir les quatre Vents ou les trois Dragons.
– Le Brelan, formé de trois tuiles identiques, appartenant à une même série, par exemple trois 2 Caractères (diagramme 3 ).
– Le Carré, formé de quatre tuiles identiques, appartenant à une même série, par exemple quatre Dragons rouges (diagramme 4).
Place des joueurs
Le Mah-Jong est un jeu individuel, qui traditionnellement se joue à 4 participants. Au début de la partie, chaque joueur lance un dé, et celui qui a le plus fort total est désigné par le terme de «Vent d’Est». Celui qui a obtenu le second score se place à sa droite : c’est le «Vent du Sud». Le joueur suivant se place en face : c’est le «Vent d’Ouest». Enfin, le dernier joueur s’installe à sa gauche : c’est le « Vent du Nord ». On notera qu’Est et Ouest sont inversés par rapport à la rose des vents normale.
Construction de la « Crande Muraille de Chine »
Toutes les tuiles sont mélangées, face cachée sur la table. Chaque joueur prend alors trente-six tuiles et construit devant lui un mur composé de dix-huit tuiles de
longueur sur deux tuiles de hauteur. Les quatre murs ainsi formés sont joints en carré, et l’espace central est dénommé « Empire céleste ».
Distribution des tuiles
C’est Est qui va opérer cette distribution, mais après des opérations préliminaires extrêmement codifiées : ce rituel très formaliste a pour but d’écarter toute possibilité de triche. La distribution ne pourra débuter qu’après l’ouverture d’une brèche dans un endroit précis de la muraille.
L’endroit où la brèche va être effectuée est déterminé en deux temps : Vent d’Est jette tout d’abord les deux dés pour déterminer le mur dans lequel la brèche va être opérée ; il compte le total jeté dans le sens inverse des aiguilles d’une montre, en commençant par son propre mur (s’il jette, par exemple, 5-3, il se comptera pour I, Sud pour 2, Ouest pour 3, etc., jusqu’à parvenir à 8, qui est Sud).
Le joueur sur lequel il s’arrête est appelé « Vent dominant ». La brèche sera effectuée dans son mur.
Vent dominant jette à son tour les deux dés et ajoute son total à celui de Vent d’Est. Il compte alors à partir de l’extrémité droite de son mur le nombre de piles déterminé par le total cumulé des dés pour fixer l’endroit exact de la brèche (s’il jette, par exemple, 4-2, nous aurons 5-3 + 4-2 = 14. La brèche sera donc effectuée sur la quatorzième pile à droite du mur du Sud (diagramme 5).
Est prend alors les deux tuiles de la brèche et les pose sur le mur, à droite de la brèche, à une tuile d’écart l’une de l’autre (diagramme 6). Il sépare également les six piles situées à droite de la brèche du reste de la muraille : les quatorze tuiles (les deux tuiles 14, plus les douze tuiles 8 à 13) qui composent la «colline» ainsi formée ne pourront plus être utilisées dans le cours du jeu.
La distribution peut maintenant com-mencer : Est prend les deux premières piles situées à gauche de la brèche (15 et 16), donne les deux suivantes à Sud, et continue ainsi jusqu’à ce que tous les joueurs aient douze tuiles. Il effectue alors une dernière distribution d’une tuile par joueur, en commençant et en finissant par lui : Est a donc quatorze tuiles, et les autres joueurs treize tuiles.
Déroulement de la partie
La distribution terminée, les joueurs posent leurs tuiles sur leurs réglettes, et les rangent par affinités. Est appelle tout d’abord les Honneurs suprêmes : les joueurs possédant des Fleurs ou des Sai-sons posent les tuiles correspondantes devant eux, face visible, et complètent leur jeu, dans l’ordre, en piochant un nombre de tuiles égal dans la partie du mur situé à droite de la colline. Nous verrons plus loin que c’est également là que se servent les joueurs ayant exposé un Carré.
Les joueurs ont maintenant uniquement des tuiles de jeu dans leur main. Est, qui a quatorze tuiles, rejette face visible l’une d’entre elles dans l’Empire céleste (centre de la muraille) et annonce sa nature à voix haute : par exemple, « Deux Bambous ». Les autres joueurs, tour à tour, en commençant par Sud, piocheront une tuile sur la partie du mur située à gauche de la colline et rejetteront, en l’annonçant, la tuile de leur choix au centre de la table.
Il existe, pour les joueurs, quatre possibilités de s’emparer de la dernière tuile qui vient d’être écartée (les tuiles non réclamées immédiatement deviennent « mortes » et inutilisables) :
• Le Chow, lorsque la tuile permet de compléter une Séquence ;
• Le Pung, lorsque la tuile permet de compléter un Brelan ;
• Le Kong, lorsque la tuile permet de compléter un Carré ;
• Le Mah-Jong, lorsque la tuile permet de conclure la partie.
– Le Chow n’est permis qu’au joueur situé immédiatement à droite de celui qui vient de rejeter la tuile : à son tour de jeu, il annonce « Chow », prend la tuile, expose sa Séquence devant lui, face visible, et rejette une tuile sans piocher.
– Le Pung est permis à tous les joueurs : celui qui peut compléter un Brelan grâce à l’écart annonce « Pung », même si ce n’est pas à lui de jouer, s’empare de la tuile, expose le Brelan devant lui, face visible, et rejette une tuile sans piocher. Les joueurs situés entre lui et le joueur qui vient d’écarter perdent leur tour.
– Le Kong est lui aussi ouvert à tous les joueurs : celui qui peut compléter un Brelan caché (et non un Brelan exposé sur la table, qui ne peut être transformé en Carré qu’à l’aide d’une tuile tirée du mur) annonce « Kong », même si ce n’est pas à lui de jouer, s’empare de l’écart et expose le Carré ainsi formé devant lui, face visible. Il pioche maintenant une tuile à droite de la colline (à l’endroit réservé aux Honneurs suprêmes) et rejette un écart. Les joueurs situés entre lui et le joueur qui vient d’écarter perdent leur tour.
– Le Pung et le Kong ont préséance sur le Chow. Mais si deux joueurs ont demandé Pung et Kong, c’est celui qui joue le premier qui s’empare de l’écart.
– Enfin, si un joueur peut faire Mah- Jong avec la tuile écartée, il a préséance sur le Chow, sur le Pung et sur le Kong : il annonce « Mah-Jong », même si ce n’est pas à lui de jouer, s’empare de l’écart, mais les joueurs placés entre lui et le joueur qui vient d’écarter ne perdent pas leur tour et jouent encore une fois.
Combinaisons cachées et exposées
D’une façon générale, les combinaisons formées demeurent sur la réglette, ca¬chées à la vue des autres joueurs. On n’est obligé d’exposer que celles formées à partir d’un écart. Il existe une double raison à cela : nous verrons plus loin que les combinaisons cachées rapportent plus de points que les combinaisons exposées ; d’autre part, montrer son jeu renseigne
les adversaires sur ses intentions. Une exception toutefois : lorsque l’on com¬pose un Carré, on n’a plus assez de tuiles pour faire trois autres formations et une Paire. Or, nous avons déjà dit que le Mah-Jong doit obligatoirement comporter quatre formations et une Paire : il faut donc tirer une tuile supplémentaire. Pour ce faire, on étale son Carré, mais avec deux tuiles visibles et deux tuiles cachées, pour indiquer qu’il s’agit d’un Carré caché et non d’un Carré exposé.
Fin de la partie
Le jeu s’arrête lorsqu’un joueur a fait Mah-Jong, c’est-à-dire a une main de quatorze tuiles formant quatre combinaisons de trois pièces (le Carré est considéré comme une formation de trois tuiles) et une Paire. (On peut également faire Mah-Jong en composant un des multiples «Grands Jeux» existant, combinaisons excessivement difficiles à réaliser, mais d’un rapport considérable. Ces Grands Jeux ne sont pas codifiés, et il est possible à chacun d’inventer de nouvelles formations. On se contente généralement des combinaisons classiques décrites ici.) Les autres joueurs étalent leurs combinaisons formées et chacun compte ses points. Si personne n’a fait Mah-Jong quand la pioche arrive à la colline intouchable, la partie est nulle et l’on procède à une nouvelle distribution.
Est reste Vent du tour (donneur) tant qu’il fait Mah-Jong ; sinon, ce rôle passe à Sud, puis à Ouest et enfin à Nord. Notons que les gains et les pertes du Vent du tour sont doublés.
Règlement des comptes entre les joueurs
Le joueur qui a fait Mah-Jong touche des trois autres joueurs la valeur en points de sa main. Les trois joueurs restants se règlent ensuite entre eux la différence entre leurs scores respectifs. Il ne faut pas oublier, ce faisant, que le score d’Est est toujours doublé, qu’il gagne ou qu’il perde. Le règlement s’effectue au moyen de bâtonnets plats percés de trous. Le bâtonnet percé d’un trou vaut 100 points, celui percé de cinq trous vaut 500 points, celui percé de deux trous vaut 2 points et celui percé de dix trous vaut 10 points. Au début de la partie, on distribue pour I 000 points de jetons à chacun, qui se décomposent ainsi :
I x 500 = 500 points
4 x 100 = 400 points
8 x 10 = 80 points
10 x 2 = 20 points
1 000 points
Fin de la partie
La partie se termine quand les quatre joueurs ont été Vent d’Est, en gardant à
l’esprit qu’un même joueur reste Vent d’Est tant qu’il fait Mah-Jong, et qu’en-suite ce sont à tour de rôle Sud, Ouest et Nord qui deviennent Vent d’Est.
STRATÉGIE
Bien jouer au Mah-Jong exige beaucoup de finesse de jugement et d’esprit de décision, car il faut souvent opter entre des choix contradictoires : ne pas favori-ser un joueur en jetant l’écart qu’il attend, ou bien, au contraire, le lui fournir pour gagner un tour de jeu, construire sa main en fonction des combinaisons les plus probables, ou bien patienter et l’orienter vers les combinaisons les plus profitables…
Pour ces raisons, il est difficile de fournir des conseils plus précis, et souvent les décisions sont prises davantage en fonction d’une « impression de table » que sur la base des probabilités mathématiques les plus pures. En ce domaine, l’expérience reste finalement la meilleure conseillère…